Page 116 - Les Peseurs Jurés de Marseille

Une catastrophe évitée !

Particularité de la romaine marseillaise qui ne part pas de zéro.

Lettre de J.B Brochier, Maire de Marseille, à Monsieur le Ministre
du Commerce.

Marseille le 10 Juin 1881

Monsieur le Ministre,

Le décret du 20 Janvier 1880 prescrit qu’à l’avenir les romaines
oscillantes devront commencer à 0 et porter un anneau au lieu et place du
crochet de suspension.
L’application à Marseille de ce décret présente les plus grandes dif-
ficultés ; elle mettrait non seulement en péril les finances de la Commune,
mais elle porterait un notable préjudice à nos divers corps de peseurs et
soulèverait, à bref délai, les réclamations du commerce tout entier.
En effet, la romaine marseillaise, légère et graduée à larges coches,
permet au peseur public de peser jusqu’à 1500 balles, dans le courant
d’une journée, pour la raison bien simple que la romaine passe d’un colis
à l’autre avec une extrême facilité.
Tout au contraire, la romaine à 0, destinée à peser les mêmes colis,
est d’une lourdeur telle, qu’il y a quelque peine à la transporter, à la manier
et qu’en raison du rapprochement des coches, elle fait imprimer au boulon
un va et vient qui retarde sensiblement l’opération ; les retards additionnés
entre eux occasionnent une assez grande perte de temps préjudiciable,
comme je l’ai dit plus haut, aux deniers de la Ville, aux peseurs dont elle
rend les opérations plus longues et partant moins nombreuses, et enfin au
Commerce, pour qui le temps est de l’argent.
Un défaut manifeste de la romaine à 0 c’est que le rapprochement
des coches doit produire nécessairement la rapide usure de la manette,
parce que les coches seront d’autant plus aiguës que la romaine sera d’un
plus fort tirant.
Pour convaincre Monsieur le Ministre de la difficulté qu’éprouve-
raient nos peseurs à pratiquer avec la romaine à 0, j’ai convoqué
Monsieur Barne, sénateur, et Messieurs Amal, Bouquet et Rouvier, dépu-
tés présents à Marseille, à une conférence où des expériences compara-
tives ont été faites entre la romaine en usage et la romaine à 0, prescrite
par le décret.
Après une démonstration convaincante que la romaine à 0 présentait
dans la pratique de sérieux inconvénients, nos honorables représentants
ont été d’un avis unanime, et qu’il y avait lieu de prier Monsieur le

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